Rencontre entre la journaliste Ludivine Fasseu, pour le magazine VISITE-IMMO, et moi-même, pour DEMEURES DU NORD.
Le fil conducteur de cet échange élaboré par le jeu des questions -réponses me fut proposé sous la forme de cette réflexion : “Soyons responsables. En tant que constructeurs, nous nous devons de construire de belles maisons quelles que soient leurs gammes….”
…Avant que cet article ne soit remis en forme :
Et si nous parlions du courage en architecture ?
« La maison appartient surtout au territoire avant d’appartenir à l’homme. » Cette citation de l’architecte Mario Botta raisonne comme un leitmotiv chez Demeures du Nord. Pour qu’un projet soit réussi, le rapport de la maison avec son environnement est primordial. Il faut savoir se poser cette question essentielle : la maison que je dessine va-t-elle savoir se fondre dans le paysage sans l’enlaidir ?
Il faut du courage pour faire de la bonne architecture : c’est pour moi autant un devoir éthique que civique! Je suis inquiet et intransigeant par rapport à l’évolution du marché de la maison individuelle. La crise a entrainé certaines dérives. Il suffit de se promener dans de nombreux lotissements pour se rendre compte du coté insipide de certaines maisons. Certains constructeurs, devraient prendre leurs responsabilités. Ils ne peuvent pas tout accepter pour obtenir un contrat ! Aujourd’hui, la tendance est à la maison cubique. Or il faut des conditions particulières de surfaces, de largeur de façades, de rythmes et tailles d’ouvertures pour qu’elle soit réussie.
Je peux paraître sévère mais notre rôle est trop important, s’agissant de dessiner et construire pour nos clients à la fois un cadre de vie et aussi un patrimoine.
Chez Demeures du Nord, créer patiemment chacune de nos maisons est un devoir. C’est aussi une passion. La bonne architecture ne peut exister sans le talent des architectes et dessinateurs dont j’ai la chance d’être entouré.
Parlons et décidons avec nos clients du bon choix !
“Même une pièce qui doit être obscure a besoin au moins d’une petite fente pour qu’on se rende compte de son obscurité. Mais les architectes qui aujourd’hui dessinent des pièces ont oublié leur foi en la lumière naturelle. Assujettis à la facilité d’un interrupteur, ils se contentent d’une lumière statique et oublient les qualités infinies de la lumière naturelle grâce à laquelle une pièce est différente à chaque seconde de la journée.”
Citation de Louis Kahn, Architecte
Photos intérieures et extérieures de Demeures du Nord
Au fond, cette citation d’OSCAR WILDE convient parfaitement à nombre de convictions de Demeures du
Nord. (On va encore me trouver prétentieux..! Tant pis !)
«L’architecture, c’est une tournure d’esprit et non un métier.»
Edouard Le Corbusier
Nous ne copions pas Le Corbusier. Nous le regardons souvent tout comme Mallet Stevens et autres grands maîtres.
C’est sans doute ainsi que nous avons pu atteindre un peu de sa tournure d’esprit, faite d’élégance et de liberté.
Villa Savoye dessinée par Le Corbusier de 1928 à 1931.
J’ai toujours admiré les réalisations de cet immense architecte né en suisse en 1947.
Mario Botta est un réinventeur des formes les plus simples, les plus évidentes : rond, carré, rectangle et il
les décline en de multiples combinaisons.
Il a construit des maisons individuelles dont les formes pures associés à des matériaux usuels tels que la
brique sont aujourd’hui des références essentielles en terme d’architecture…
J’ai retrouvé une interview dans lequel il parle justement de ses maisons et du rapport qu’il a ou a eu avec ses
clients. Etonnant ! Et pleins d’enseignements !
Question: Si l’on vous confie le mandat pour construire une maison,
cherchez-vous le dialogue avec l’usager, et si oui en quels
termes?
Mario Botta: Je vais commencer par vous décevoir en disant que la maison
appartient surtout au territoire avant d’appartenir à
l’homme. Cela signifie que, pour moi, l’architecture est
toujours la transformation d’une situation géographique en
situation historico-culturelle. L’usager est évidemment
important, mais seulement dans un deuxième temps, alors
dans ce sens oui, évidemment, j’entre en dialogue avec le
client; il devient une sorte d’alibi puisque les vrais problèmes
sont les problèmes de l’histoire; le vrai client, c’est
l’histoire. L’homme n’est que le prétexte de cette transformation
donc si c’est un artiste on fera une maison pour
une artiste, si c’est un homme de lettres, pour un homme
de lettres, si c’est un médecin, pour un médecin, etc.; mais
les valeurs d’utilisation de la maison, je pense
qu’aujourd’hui elles sont beaucoup plus réduites que l’on
pense. En effet, on nous demande une qualité d’espace; une
bonne maison est une maison qui permet d’avoir une qualité,
donc un sens de l’orientation, un sens du rapport vers
l’extérieur et 1’élément fonctionnel ne survient que dans un
deuxième temps. Dans ce sens, oui, j’entre en contact avec
le client mais tout en étant conscient que la maison appartient
plus au territoire qu’à l’homme, tout client qu’il
soit.
Question: Ecoutez-vous les propositions de votre client en tentant de
les réaliser?
J’écoute les propositions et après je les hiérarchise. Si le
client est intelligent, il propose des choses intéressantes;
si, au contraire, il propose des choses qui ne sont pas importantes,
on lui dit que celles-ci n’entrent en ligne de
compte dans le projet que de manière limitée. Dans ce sens
là, évidemment, je l’écoute puisqu’il est un partenaire de la
maison; la maison n’est pas pour l’architecte, elle n’est
qu’un moment où l’architecte interprète les besoins d’une
collectivité.
Question: Est-ce que l’on peut dire que, malgré tout, le projet est le
fruit d’un compromis entre les idées de l’architecte et les
idées du client?
MarioBotta: Non, car si c’est un compromis, c’est un mauvais projet.
Le projet doit être une totalité, il doit répondre pleinement
aux exigences dans lesquelles le client doit pouvoir reconnaitre
sa situation historique: vivre aujourd’hui est différent que
de vivre hier. Non, on ne peut pas parler de compromis,
on doit trouver des solutions aux problèmes, pas des compromis
aux problèmes. Dans ce sens la, je trouve que la
bonne architecture donne toujours des réponses très fortes,
des réponses bien nettes dans lesquelles et l’architecte et le
client doivent se reconnaitre; il n’y a alors jamais de conflit
entre l’architecte et le client.
Question: Essayez-vous plutôt d’imposer vos vues?
Mario Botta: Je dirais que j’entre en dialogue. En principe, le client accepte
mes vues et il le fait beaucoup plus facilement que
l’on pense. Non pas que je veuille lui imposer quoi que ce
soit, je lui dis simplement quelle est ma vérité. C’est un
peu comme si le chirurgien impose au client tel type
d’opération: le chirurgien connait son métier et il intervient
sur un tissu avec une certaine compétence comme le
fait l’architecte sur le territoire.
Question: Qui est le bon client?
Le bon client, c’est le client exigeant, celui qui connait
bien les problèmes; le mauvais client, c’est celui qui donne
des solutions: alors c’est inutile qu’il paie un architecte s’il
connait déjà les solutions. Le bon client doit connaitre les
problèmes; après, il doit laisser agir l’architecte pour trouver
des solutions dans l’espace.
Question: Que pensez-vous de la flexibilité des espaces?
Mario Botta: La meilleure flexibilité, c’est la rigidité des espaces, en effet
les espaces qui se prêtent aux fonctions les plus différentes
sont des espaces qui ont une qualité. Je suis contre
la flexibilité, donc la mobilité physique des espaces: un bon espace est un espace qui, parce qu’il a une
certaine qualité, permet d’y dormir, d’y manger, d’y accueillir des
amis, d’y faire du théâtre. Ou, sur la question de la flexibilité
des espaces, je peux prendre un exemple historique:
pensons au Parthénon, il est né comme le tombeau
d’Adrien, il est devenu église, il est devenu marché, il est
devenu espace public; sa qualité principale c’est d’être un
trou vers le ciel. Les fonctions changent, l’espace demeure.
Question: Pensez-vous qu’une construction exerce une influence directe
sur le mode de vie de son habitant et, si oui, comment?
Si non, pourquoi?
Mario Botta: Non, non, je pense qu’elle arrive à suggérer ou faciliter une
manière de vivre mais elle ne peut pas imposer une manière
de vivre. Les idées de la vie sont plus fortes que les
idées des architectes. L’architecte maitrise l’organisation de
l’espace, l’organisation de la ville, mais l’organisation de la
polis, c’est un domaine politique. Dans ce sens là, l’espace
joue un rô1e important mais n’est pas déterminant.
Quelquefois, l’urbanisme nie l’organisation de l’espace et détermine
d’autres formes, donc je dis que l’organisation de
l’espace de vie de l’homme est important en tant
qu’élément de support à l’organisation de l’urbanisme, mais il
s’agit toujours de l’organisation de l’espace et jamais de
l’organisation de la vie.
Question: Un support suggestif?
MarioBotta: Support, il peut suggérer aussi, il donne des indications,
mais il ne peut pas imposer, d’autre part, ce n’est pas une
prison.
“Surfaces unies, arrêtes vives, courbes nettes, matières polies, angles droits ; clarté, ordre. C’est ma
maison logique et géométrique de demain.”
R.Mallet Stevens
“Le rôle [des édifices] est non seulement de rendre l’existence heureuse et agréable par leur aspect
satisfaisant, mais encore de laisser entrevoir à ceux qui s’arrêtent pour contempler leur proportions ou l’harmonie de leurs formes, un peu de joie et d’idéal.”
R.Mallet
Stevens
Que tu lui donnes un crayon,
Et l’enfant bâtit sa maison…
Claude Nougaro
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