MARIO BOTTA : DONNER DES REPONSES FORTES …


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J’ai toujours admiré les réalisations de cet immense architecte né en suisse en 1947.

Mario Botta est un réinventeur des formes les plus simples, les plus évidentes : rond, carré, rectangle et il
les décline en de multiples combinaisons.

Il a construit des maisons individuelles dont les formes pures associés à des matériaux usuels tels que la
brique sont aujourd’hui des références essentielles en terme d’architecture…

J’ai retrouvé une interview dans lequel il parle justement de ses maisons et du rapport qu’il a ou a eu avec ses
clients. Etonnant ! Et pleins d’enseignements !

 

 

Question: Si l’on vous confie le mandat pour construire une maison,
cherchez-vous le dialogue avec l’usager, et si oui en quels
termes?

Mario Botta: Je vais commencer par vous décevoir en disant que la maison
appartient surtout au territoire avant d’appartenir à
l’homme. Cela signifie que, pour moi, l’architecture est
toujours la transformation d’une situation géographique en
situation historico-culturelle. L’usager est évidemment
important, mais seulement dans un deuxième temps, alors
dans ce sens oui, évidemment, j’entre en dialogue avec le
client; il devient une sorte d’alibi puisque les vrais problèmes
sont les problèmes de l’histoire; le vrai client, c’est
l’histoire. L’homme n’est que le prétexte de cette transformation
donc si c’est un artiste on fera une maison pour
une artiste, si c’est un homme de lettres, pour un homme
de lettres, si c’est un médecin, pour un médecin, etc.; mais
les valeurs d’utilisation de la maison, je pense
qu’aujourd’hui elles sont beaucoup plus réduites que l’on
pense. En effet, on nous demande une qualité d’espace; une
bonne maison est une maison qui permet d’avoir une qualité,
donc un sens de l’orientation, un sens du rapport vers
l’extérieur et 1’élément fonctionnel ne survient que dans un
deuxième temps. Dans ce sens, oui, j’entre en contact avec
le client mais tout en étant conscient que la maison appartient
plus au territoire qu’à l’homme, tout client qu’il
soit.

Question: Ecoutez-vous les propositions de votre client en tentant de
les réaliser?

J’écoute les propositions et après je les hiérarchise. Si le
client est intelligent, il propose des choses intéressantes;
si, au contraire, il propose des choses qui ne sont pas importantes,
on lui dit que celles-ci n’entrent en ligne de
compte dans le projet que de manière limitée. Dans ce sens
là, évidemment, je l’écoute puisqu’il est un partenaire de la
maison; la maison n’est pas pour l’architecte, elle n’est
qu’un moment où l’architecte interprète les besoins d’une
collectivité.


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Question: Est-ce que l’on peut dire que, malgré tout, le projet est le
fruit d’un compromis entre les idées de l’architecte et les
idées du client?

MarioBotta: Non, car si c’est un compromis, c’est un mauvais projet.
Le projet doit être une totalité, il doit répondre pleinement
aux exigences dans lesquelles le client doit pouvoir reconnaitre
sa situation historique: vivre aujourd’hui est différent que
de vivre hier. Non, on ne peut pas parler de compromis,
on doit trouver des solutions aux problèmes, pas des compromis
aux problèmes. Dans ce sens la, je trouve que la
bonne architecture donne toujours des réponses très fortes,
des réponses bien nettes dans lesquelles et l’architecte et le
client doivent se reconnaitre; il n’y a alors jamais de conflit
entre l’architecte et le client.

Question: Essayez-vous plutôt d’imposer vos vues?

Mario Botta: Je dirais que j’entre en dialogue. En principe, le client accepte
mes vues et il le fait beaucoup plus facilement que
l’on pense. Non pas que je veuille lui imposer quoi que ce
soit, je lui dis simplement quelle est ma vérité. C’est un
peu comme si le chirurgien impose au client tel type
d’opération: le chirurgien connait son métier et il intervient
sur un tissu avec une certaine compétence comme le
fait l’architecte sur le territoire.

Question: Qui est le bon client?

Le bon client, c’est le client exigeant, celui qui connait
bien les problèmes; le mauvais client, c’est celui qui donne
des solutions: alors c’est inutile qu’il paie un architecte s’il
connait déjà les solutions. Le bon client doit connaitre les
problèmes; après, il doit laisser agir l’architecte pour trouver
des solutions dans l’espace.

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Question: Que pensez-vous de la flexibilité des espaces?

Mario Botta: La meilleure flexibilité, c’est la rigidité des espaces, en effet
les espaces qui se prêtent aux fonctions les plus différentes
sont des espaces qui ont une qualité. Je suis contre
la flexibilité, donc la mobilité physique des espaces: un bon espace est un espace qui, parce qu’il a une
certaine qualité, permet d’y dormir, d’y manger, d’y accueillir des

amis, d’y faire du théâtre. Ou, sur la question de la flexibilité
des espaces, je peux prendre un exemple historique:
pensons au Parthénon, il est né comme le tombeau
d’Adrien, il est devenu église, il est devenu marché, il est
devenu espace public; sa qualité principale c’est d’être un
trou vers le ciel. Les fonctions changent, l’espace demeure.

Question: Pensez-vous qu’une construction exerce une influence directe
sur le mode de vie de son habitant et, si oui, comment?
Si non, pourquoi?


Mario Botta: Non, non, je pense qu’elle arrive à suggérer ou faciliter une
manière de vivre mais elle ne peut pas imposer une manière
de vivre. Les idées de la vie sont plus fortes que les
idées des architectes. L’architecte maitrise l’organisation de
l’espace, l’organisation de la ville, mais l’organisation de la
polis, c’est un domaine politique. Dans ce sens là, l’espace
joue un rô1e important mais n’est pas déterminant.
Quelquefois, l’urbanisme nie l’organisation de l’espace et détermine
d’autres formes, donc je dis que l’organisation de
l’espace de vie de l’homme est important en tant
qu’élément de support à l’organisation de l’urbanisme, mais il
s’agit toujours de l’organisation de l’espace et jamais de
l’organisation de la vie.

Question: Un support suggestif?

MarioBotta: Support, il peut suggérer aussi, il donne des indications,
mais il ne peut pas imposer, d’autre part, ce n’est pas une
prison.

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